Expertise linguistique et expertise dans la tâche : l'approche différenciée des publics spécifiques
Marie Mandarine Colle Quesada  1, *@  , Nathalie Spanghero-Gaillard  2@  
1 : Laboratoire d'Etudes et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales  (LERASS-CPST)  -  Site web
Université Toulouse le Mirail - Toulouse II : EA827
Laboratoire d'Etudes et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales -  France
2 : Laboratoire d'Etudes et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales  (LERASS)  -  Site web
Université Toulouse le Mirail - Toulouse II : EA827
* : Auteur correspondant

1- Cadre théorique et méthodologique

Notre travail porte sur la compréhension orale en langue étrangère,c'est-à-dire sur un processus irrépressible qui n'entraîne généralement pas de manifestation observable. De ce fait, son évaluation est particulièrement délicate et doit reposer sur la définition précise des éléments à évaluer et des connaissances interrogées.

Dans cette optique nous avons construit le Classe-Images, un logiciel créé pour évaluer la compréhension de dialogues à travers une tâche de sélection de dessins. Cette démarche permet de contourner la restitution langagière, difficile à interpréter avec des apprenants débutants en langue car les éventuelles erreurs produites peuvent relever de difficultés en compréhension ou en production. Dans la mise en œuvre expérimentale de cet outil, nous avons interrogé deux groupes sur une tâche de compréhension de courts dialogues en français. Le premier groupe était composé de francophones natifs, le second d'apprenants débutants en français Langue Étrangère. Les dessins introduits dans le test présentaient deux facteurs de variation susceptibles de nous renseigner sur les difficultés rencontrées par les répondants. Le premier facteur correspond à une modification de la situation d'énonciation, le second au contenu propositionnel. À partir les dessins sélectionnés par les répondants, nous avons pu interpréter les restitutions produites et observer les sources de difficultés rencontrées par les participants. Dès lors, le développement de cet outil devrait permettre aux apprenants de travailler en autonomie, notamment via une auto-évaluation leur permettant d'établir un diagnostic précis des sources d'erreurs. En effet, nous pouvons envisager que le Classe-images constitue une ressource pour les apprenants permettant d'orienter leurs apprentissages selon le profil d'erreursdiagnostiqué.

 

2- Résultats

Les profils d'erreurs constituent un des aspects des résultats que nous avons recueillis avec ce test.Ils nous permettent de voir dans quelle mesure les différents groupes interrogés sont sensibles à l'un ou l'autre des éléments concourant à la compréhension (situation d'énonciation et contenu propositionnel).Notre expérimentation auprès de natifs nous a amenées à observer en outre que ces derniers accordent moins d'importance à la situation d'énonciation que les apprenants débutants, mettant ainsi en exergue la nécessité d'expliciter en classe de langue ou dans un dispositif d'enseignement l'importance de la prise en compte de ce paramètre.

 

3- Discussion : expertise située et stratégies de compréhension mises en place par les individus

Notre hypothèse explicative est que les natifs, confiants dans leur niveau de langue, n'ont pas accordé la même attention aux dimensions extralinguistiques (telles que la situation d'énonciation) que les apprenants débutants qui se trouvaient certes dans une situation d'insécurité linguistique, mais dans une tâche dont ils ont l'habitude car très courante dans les méthodologies modernes en FLE. Nos résultats montrent que les apprenants débutants ont tendance à accorder une plus grande importance aux paramètres environnementaux que les natifs de la langue. Ainsi, l'exercice de compréhension a été interprété par les natifs comme une compréhension linguistique et ces derniers sont allés chercher dans les dessins les contenus propositionnels du dialogue sans se soucier du contexte énonciatif. A contrario, les débutants en langue ont dû rassembler plus d'indices leur permettant de prendre une décision en faveur de tel ou tel dessin comme en totale correspondance avec le dialogue entendu. Ces différents niveaux d'expertise nous amènent à considérer les différents publics comme des groupes spécifiques, adoptant des stratégies différentes adaptées aux situations. Dès lors, nous pouvons considérer que l'apprentissage d'une langue étrangère entraîne la mise en place de stratégies ad hoc (développement d'une expertise particulière, spécifique aux apprentissages langagiers en milieu universitaire). Ces résultats nous incitent à adopter une approche différenciée dans les tâches de compréhension de l'oral, qui peut être favorisée par les CRL, tel que nousexpliciterons en conclusion de notre exposé.


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